C) La troisième catégorie
C) La troisième catégorie :
C’est la série des textes qui montre la stupeur de ses contemporains parmi ses disciples et ses adversaires à propos de sa déification. Ce concept n’a aucun rapport ni avec Jésus ni avec les croyants en sa religion, il est une création récente, loin de l’époque du Christ et cela seul suffit à le détruire. De nombreux textes le clament.
Sur la route du retour de Jérusalem à Nazareth, sa mère, la Sainte Vierge, accompagnée de Joseph le menuisier, ignorait en lui cette qualité. En effet, un incident le prouve clairement : Quand la fête fut terminée, ils repartirent mais l’enfant Jésus resta à Jérusalem et ses parents ne s’en aperçurent pas. Ils pensaient que Jésus était avec leurs compagnons de voyage et firent une journée de marche. Ils se mirent ensuite à le chercher parmi leurs parents et leurs amis, mais sans le trouver. Le troisième jour, ils le découvrirent dans le Temple : il était assis au milieu des maîtres de la Loi, les écoutait et leur posait des questions. (Luc 2-43/48) Si Marie savait que son fils était Dieu ou le fils de Dieu, sa peur aurait été futile Le jeune Jésus répondit à ses parents : « Pourquoi me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père? (Luc 2/49) La Viergeet son époux ont-ils compris par sa réponse qu’il parlait de sa déification et de sa filiation divine réelle? Non bien sûr, ils n’ont rien compris de sa réponse : Ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. (Luc 2/50)
Une autre fois, Marie la Vierge vit le bonheur sur le visage de Siméon de Jérusalem quand celui-ci prit le nourrisson dans ses bras. Il loua Dieu de lui avoir permis de voir le Sauveur mais ses parents n’ont rien deviné de ce que dévoilait le vieil homme. Ils se contentèrent de l’étonnement et des signes de singularité. Le père et la mère étaient tout étonnés de ce que Siméon disait de lui. (Luc 2/33) Il est rapporté dans l’Evangile de Jean que sa mère, après la crucifixion, est allée pour le pleurer (Voir Jean 19/25). Mais ne savait-elle pas alors que son fils était Dieu ou qu’il était le fils de ce Dernier? Ne savait-elle pas que la mort ne peut le nuire.
Simon Pierre, l’un des disciples les plus proches de Jésus et plein de l’Esprit Saint déclara : Gens d’Israël, écoutez ce que je vais vous dire. Jésus de Nazareth était un homme dont Dieu vous a démontré l’autorité en accomplissant par toutes sortes de miracles et de signes miraculeux au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes. Cet homme vous a été livré conformément à la décision que Dieu avait prise et au plan qu’il avait formé d’avance. Vous l’avez tué en le faisant clouer sur une croix par des infidèles. (Les Actes des apôtres 2-22/23) Il n’a fait aucune allusion, dans ce discours important inspiré par l’Esprit Saint, ni à la déification du Christ, ni à sa nature humaine qui s’est modifiée en Dieu, ni au Dieu incarné dans son corps. Après la crucifixion, Jésus déguisé rencontra deux croyants, il remarqua la tristesse sur leurs visages et leur en demanda la cause. Ils répondirent : Jésus de Nazareth était un prophète puissant ; il l’a montré par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple. Les chefs de nos prêtres et nos dirigeants l’ont livré pour le faire condamner à mort et l’ont cloué sur une croix. Nous avions l’espoir qu’il était celui qui devait délivrer Israël. (Luc 24-19/21) Ces deux compagnons n’ont rien relaté d’une nature humaine qui a goûté la mort ni d’une nature divine qui a échappé au trépas. Le plus que l’ensemble espérait de lui consistait à sauver Israël, c’est-à-dire le Messie tant attendu, celui dont l’avènement avait été prédit par les prophètes antérieurs. « La croyance des Juifs en Jésus se limitait au fait qu’il était célèbre et distingué par ses vertus et sa fonction.[1]»
Le moine Ibrahîm Sa‘îd reconnaît que ces deux croyants « jusqu’à ce jour-là, ne croyaient pas à sa nature divine mais nous savons qu’ils ne doutaient pas de sa mission en tant que prophète.[2]» Ses disciples étaient en permanence émerveillés devant les miracles qu’il accomplissait, s’il avait été un Dieu, ils auraient trouvé ces prodiges tout à fait normaux. Un certain soir, Jésus passant à proximité d’un figuier, eut faim, il se dirigea vers l’arbre mais il ne trouva que des feuilles. Il clama sa menace au figuier et lui assura qu’il ne portera plus de fruits dorénavant. Il devint sec immédiatement et les disciples s’étonnèrent : Il dit alors au figuier : « Tu ne porteras plus jamais de fruits.» aussitôt le figuier devint sec. Les disciples virent et cela et furent remplis d’étonnement. Ils demandèrent à Jésus : « Comment ce figuier est devenu tout sec…? (Matthieu 21-19/21) Leur étonnement décèle qu’ils ignoraient tout des convictions auxquelles les Chrétiens sont attachés de nos jours, car le dessèchement du figuier ordonné par Dieu ne peut être étonnant.
Ses contemporains croyaient profondément que Jésus était le Messie, c’est-à-dire le prophète magnanime tant attendu, les idées de sa déification ou de sa filiation divine n’a jamais effleuré leurs esprits. Le père Matthieu le pauvre a enregistré à ce propos : « La pensée des disciples s’arrêta sur la conviction qu’il était un prophète mais qu’il réalisait des œuvres supérieures à celles des simples prophètes. Leur considération à son égard l’a élevé plus haut que le prophète… Mais que peut-il être? Les disciples ont rassemblé, à partir de sa biographie, des preuves qui certifient qu’il était le Messie.[3]»
Aucune femme n’a accouché d’un homme comme Jean-Baptiste, (Voir Matthieu 11/11). Celui-ci après avoir baptisé Jésus, lui délégua des émissaires pour lui demander : Jean-Baptiste, dans sa prison, entendit parler des œuvres du Christ. Il envoya alors deux de ses disciples demander à Jésus : « Es-tu le Messie qui doit venir ou devrons-nous attendre quelqu’un d’autre?» Jésus leur répondit : « Allez raconter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Heureux celui qui n’abandonnera pas la foi en moi.» (Matthieu 11-2/6) Jean-Baptiste, malgré sa place privilégiée auprès de Dieu, pensait que le fils de Marie était le Messie que les fils d’Israël attendaient sa venue. Dans sa réponse, le Christ n’évoque pas sa déification, il a mentionné ses prodiges en tant que prophète puis il a mis en garde contre les excès dans les deux sens : les Chrétiens qui le déifient jusqu’à ce jour et les Juifs qui se sont opposés à lui avec obstination, qui lui ont fait beaucoup de tort et qui ont tenté de le tuer.
Lorsque la femme samaritaine a constaté ses pouvoirs et ses œuvres exceptionnelles elle s’exclama : « Maître, je vois que tu es un prophète.» (Jean 4/9) Il n’ajouta aucune remarque à cette conviction, il ne la blâma pas et ne la corrigea pas. C’était là l’opinion que partageaient les disciples, les élèves et la totalité des gens. L’aveugle qui a retrouvé la vue s’est rendu compte de la preuve divine et a assuré que cet homme béni est réellement un prophète. Ils lui demandèrent : « Comment donc tes yeux ont été guéris ? » Il répondit : « L’homme appelé Jésus…. (Jean 9-10/11) L’aveugle a affirmé, clairement, que son guérisseur était un homme uniquement alors que les Chrétiens le considèrent comme un Dieu. Quand il entra à Jérusalem en triomphateur, la foule l’accueillit et reconnaissait en lui un homme et un prophète : « C’est le prophète Jésus de Nazareth en Galilée.» répondaient les gens. (Matthieu 21/11) Une autre fois, discutant avec Juifs à propos du sort des vignerons pervers auxquels Dieu enlèvera prochainement le royaume des cieux, ils furent figés et voulurent le saisir mais les chefs des prêtres et les Pharisiens eurent peur de la foule qui considérait Jésus comme un prophète. (Matthieu 21/45)[4] Ses ennemis parmi les fils d’Israël ne cessèrent de le harceler et de lui réclamer un miracle ; il les informa qu’il ne leur rappellera que le prodige du prophète Jonas. Alors quelques maîtres de la loi et quelques Pharisiens dirent à Jésus : « Maître, nous voudrions que tu nous fasses voir un signe miraculeux.» Jésus leur répondit en ces termes ; « Les gens d’aujourd’hui qui sont mauvais et infidèles à Dieu réclament un signe miraculeux, mais aucun signe ne leur sera accordé si ce n’est celui du prophète Jonas.» (Matthieu 12-38/39) Les Juifs, afin de croire en sa mission, lui réclamaient un signe miraculeux qui leur prouverait qu’il était prophète. S’il avait été Dieu, ils ne se seraient pas contentés du miracle du seul envoyé divin Jonas mais ils lui auraient demandé des miracles surnaturels des divers prophètes.
Un Pharisien doutait que Jésus était prophète. Pendant qu’il le surveillait de près, une femme pécheresse entra. Elle pleurait à chaudes larmes, se mit à essuyer les pieds de Jésus avec ses cheveux, les embrassa et répandit le parfum sur eux. Quand le Pharisien qui avait invité Jésus vit cela, il se dit en lui-même : « Si cet homme était vraiment un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche et ce qu’elle était : une femme de mauvaise réputation.» (Luc 7/39) Ce Pharisien désapprouva, dans son for intérieur, la prophétie de Jésus et non sa déification ce qui atteste que le Messie tentait de convaincre ses compatriotes qu’il était un prophète, simplement. Le Père Matthieu le pauvre a enregistré à ce propos : « Le Pharisien dès qu’il a vu Jésus accepter ce que lui faisait la femme, prit la scène qui s’est déroulée devant lui comme témoignage contre le Christ. Ce dernier, d’après ce que les Juifs divulguaient, était un imposteur.[5]»
Lorsque les Juifs s’apprêtaient à le tuer, son seul crime était d’avoir clamé non pas qu’il était Dieu mais prophète. Ils avaient alors dit à Nicomède : « Es-tu, toi aussi de Galilée. Examine les Ecritures et tu verras qu’aucun prophète n’est jamais venu de Galilée.» (Jean 7/52) Ils rejetèrent sa qualité de prophète car il est natif de la Galilée où aucun prophète n’est issu.
Le diable, lui aussi, n’a vu en Jésus qu’un être humain, il essaya de l’appâter, il l’assiégea durant quarante jours sans nourriture ni boisson. Il le testait et lui promettait monts et merveilles en contrepartie d’une seule prosternation devant lui. Le diable emmena Jésus sur une très haute montagne, lui fit voir tous les royaumes du monde et leur splendeur et lui dit : « Je te donnerai tout cela, si tu te mets à genoux devant moi. Alors Jésus lui dit : « Va-t-en Satan car l’Ecriture déclare : Adore ton Dieu et ne rends de culte qu’à lui seul.» (Matthieu 4-9/10) Le diable promet-il le monde éphémère au Dieu Tout Puissant, le Maître de toutes les créatures et de toutes les choses? Tadarîsse Ya‘oûb Maltais rapporte, dans son exégèse de l’Evangile de Matthieu cette remarque de saint Jérôme : « L’objectif de Satan, à travers toutes ses manœuvres consistait à savoir s’il était vraiment fils de Dieu mais le sauveur lui a donné une réponse adéquate et l’a laissé dans le doute.» Le diable ignore toujours la prétendue déification de Jésus.
Si Jésus, le Dieu, avait pris la forme d’un corps humain, comment comprendre et justifier la trahison de Judas Isocrate? Le Dieu peut-il être trahi? Comment interpréter le reniement, trois fois de suite, de Jésus de la part de l’apôtre Pierre? Comment commenter la malédiction de ce même Pierre lancée contre lui par le Messie, la nuit pendant laquelle les Juifs ont voulu l’arrêter?
Tout ce qui a été écrit dans la biographie de Jésus est difficile à comprendre avec sa déification. Ces écrits laissent de nombreuses interrogations auxquelles il n’y a pas de réponses satisfaisantes. Ce ne sont point les contemporains du Christ seulement qui ont constaté qu’il était un homme mais les prédictions des prophètes antécédents. Les Chrétiens les croient et témoignent qu’elles se sont concrétisées en lui. Ces prophéties n’ont pas annoncé la venue sur terre d’un Dieu ou Seigneur, mais d’un prophète et en même temps messager céleste vertueux. Ainsi parle le Seigneur : « A cause des trois et des quatre rébellions d’Israël, je ne révoquerai pas mon arrêt : parce qu’ils ont vendu le Juste pour de l’argent.» (Amos 2/6) Le prophète Amos n’a pas dit « ils m’ont vendu » ou « un dieu qui m’est égal » mais il l’a nommé le Juste, ce qui est un qualificatif qui désigne la plénitude de la piété et de la vénération.
-------------------
[1]) L’accord des deux Evangiles de Sam‘âne Kalhôune – Page 292.
[2]) L’exégèse de l’Evangile de Luc de Ibrahîm Sa‘îd – Page 634.
[3]) L’Evangile selon saint Luc du Père Matthieu le pauvre – 392.
[4]) Le lecteur ne doit pas s’imaginer que l’expression «Comme un prophète» n’exprime autre chose que ce qu’elle formule. Il a été dit à propos de Jean-Baptiste : « car tous pensent que Jean était un prophète.»
[5]) L’Evangile selon St Luc (Etude et exégèse) de Matthieu le pauvre – Page 331.